Je tenais beaucoup à rencontrer Cindy Ghys, à faire cet entretien avec elle et à récolter son témoignage, son parcours. Parce que c’est un parcours super inspirant, qui va parler à énormément de personnes. Un parcours où vie privée et vie professionnelle ont été intimement liées très tôt et ont évolué ensemble pour l’amener, aujourd’hui, à faire ce qui lui correspond vraiment, ce qui l’éclate.

Aujourd’hui, Cindy est coach, auteure, bloggeuse, conférencière. Le nom de son blog, ainsi que le titre de son deuxième livre, c’est sa marque, c’est aussi son message : « J’arrête d’être parfaite ».

Voir l’entretien en vidéo :
Si on reprend l’histoire au tout début, il faut remonter très, très loin. Je crois que toi-même tu ne sais pas exactement quand. Mais il y a cette première date déjà très marquante, quand tu as 4 ans, tu remportes ton premier concours national de piano. Rien que ça.

Oui, c’est vrai.

J’imagine bien que quand on fait de la musique à un tel niveau, il faut être perfectionniste. La musique ne supporte pas les fausses notes.

C’est ça.

Mais ce perfectionnisme-là, toi, il a envahi tous les domaines de ta vie.

Oui.

Pour qu’on comprenne bien cette notion de perfectionnisme, est-ce que tu peux nous dire à quoi ressemblait la vie de Cindy la parfaite ?

Cindy la petite fille parfaite, c’est la caricature de la petite fille avec les chaussures vernies, les collants blancs… Je ne ramenais pas un collant troué à la maison. Le collant, on le changeait parce que j’avais grandi. Pas parce que je l’avais troué.

La robe en velours, avec un tissu un peu noble, toujours bien repassée. Les cheveux très longs, le petit ruban dans les cheveux… Quand on voit les photos, c’est vraiment la petite fille que j’étais.

Et puis mon quotidien, en dehors de l’école, c’était… Mon temps libre d’enfant c’était travailler au piano et construire cette carrière. Me dire : plus tard… jamais dans le moment présent.

Depuis toute petite, me dire : je dois préparer mon avenir. Je dois avoir une carrière de pianiste.

Donc il fallait que je travaille dur. Que je fasse mes gammes et mes arpèges.

Et alors que les enfants de mon âge s’invitaient pour des goûters d’anniversaire, ou jouaient tout simplement au toboggan sur la place du quartier, ou apprenaient à se salir, à escalader un muret, ou je ne sais pas… Moi, je faisais mes gammes et mes arpèges.

Moi, j’étais au piano. En me disant : je ne suis pas dans le moment présent. Je suis dans l’avenir. Dans cette carrière de pianiste.

D’où ça vient qu’une petite fille pense en terme de carrière ? C’était quelque chose de familial ?

Alors, j’ai grandi dans une famille où la musique était présente au quotidien. Et je pense que j’ai très vite compris que c’était une manière pour moi – je pense qu’il y en avait d’autres aussi – mais j’ai compris que c’était une manière pour moi de rendre fière ma famille.

Parce que, lié au perfectionnisme, ce qu’on veut vraiment, c’est être aimé. On veut être parfait aux yeux des autres, parce qu’on veut être aimé.

Et donc moi, c’était ma stratégie pour être aimée.

Très vite, j’ai compris que si je voulais être aimée – j’aurais pu trouver d’autres moyens – mais je suis allée à fond là-dedans. De me dire : comme ça, je vais être aimée. Et on va être fier de moi. Je vais briller aux yeux de ma famille et des gens de qui je voulais attirer le regard.

Alors quand, à quel moment, pourquoi est-ce qu’il se provoque un déclic où tu décides d’arrêter d’être parfaite ?

Le déclic, c’est parce que ça a pris toutes les sphères de ma vie. J’ai grandi comme ça. Et c’était le perfectionnisme dans mon assiette, le perfectionnisme dans ma garde-robe, le perfectionnisme dans mon agenda, le perfectionnisme dans mes relations…

Quand je suis devenue maman, c’était juste plus possible. C’est-à-dire que là, j’ai vraiment perdu le contrôle.

Tout ce que j’ai gardé sous contrôle, ça a explosé parce que j’étais plus capable.

Déjà, je pense, j’étais épuisée. C’était vraiment épuisant d’avoir comme ça une vie sous contrôle. Dans toutes les sphères de ma vie. Et là, j’ai pété un plomb, en fait.

J’ai fait un burnout. Et je me suis dit que ce n’était pas moi. Ce n’était pas la vraie vie. Et ça a été un déclic.

J’ai demandé de l’aide.

Alors ça aussi, demander de l’aide, quand tu es perfectionniste, non… Tu dois… Tu ne dois pas montrer que tu es faible, que tu es vulnérable, tu dois…

Dire : « J’ai besoin d’aide. » Et le dire en parole. Et en acte le montrer, c’est vraiment…

Déjà c’est un premier pas, en fait, pour se libérer du perfectionnisme, d’être capable de dire : « J’ai besoin de quelque chose. J’ai atteint une limite. Je me sens vulnérable et j’ai besoin que quelqu’un intervienne. »

Donc j’ai fait du coaching. Et j’ai fait une thérapie brève. Et un jour, je ne sais pas pourquoi, j’étais prête à l’entendre, la personne avec qui je travaillais m’a dit : « Mais vous n’avez pas besoin que tout soit parfait, en fait ! Pourquoi est-ce que vous voulez être une femme parfaite ? »

Ce jour-là, j’ai compris. Je m’en rappelle : c’était un coaching par téléphone. J’ai raccroché. Et ma petite fille, je ne la laissais pas manger toute seule. Je ne la laissais pas apprendre toute seule. Parce que forcément, elle mettait de la purée partout. Et moi, j’étais le genre de maman : je donnais une cuillère et limite, entre deux cuillères, je tamponnais, comme ça, avec un mouchoir…

Donc je ne la laissais pas apprendre.

Quand elle était chez l’assistante maternelle, elle mangeait toute seule. Et très bien. Mais quand elle était à la maison, elle ne cherchait même pas à prendre la cuillère. Parce qu’elle avait compris que maman, ça la frustrait. Elle avait vu, dans mon comportement, que ça m’agaçait dès qu’il y avait quelque chose de travers.

Donc à la maison elle n’essayait même pas.

Et ce jour-là, quand j’ai raccroché, j’ai dit : c’est terminé que ce soit parfait. C’est pas la vraie vie. Je suis en train de me rendre malade. Et de rendre malades aussi les gens qui vivent avec moi. Et je lui ai donné la petite cuillère.

Ça a été mon premier pas. Je lui ai dit : « Tu sais quoi, tu manges toute seule. Je m’en fous, vas-y, mets-en partout, on nettoiera après. »

Ça a été mon premier pas.

Et ça a été gérable de voir qu’elle en mettait partout ?

Ça a été, petit à petit. J’ai commencé à lâcher du lest sur chaque domaine. Mais vraiment, ça n’a pas été…

En fait, un jour, je me rappelle, clairement, il y a eu un avant et un après. Mais quand même, après c’était un chemin. Où petit à petit j’ai dû lâcher des choses. Et après j’avais des retours en arrière…

Tu vois, après il y a aussi quand tu prends la voiture, tu es sur l’autoroute, tu rates la sortie… Alors ça, pour moi, c’était horrible ! Je devenais folle !

Et après, c’était : « Ben voilà, j’ai passé une journée pourrie ! » Alors que non, tu as juste raté une sortie d’autoroute, on se calme !

C’est juste un petit détour, en réalité.

C’est ça.

Alors tu parlais, par rapport à tes parents, du désir d’être parfaite pour être aimée. Là, tu es une femme mariée. Quelque part, ton mari, il a épousé une femme parfaite. Tu n’as pas eu peur de le décevoir ? De ne plus être aimée ?

Je crois que je ne me suis pas posé la question. Je pense qu’il a pris les devants. Parce qu’il s’est rendu compte que j’étais en train de m’épanouir. En lâchant ce perfectionnisme, j’étais en train de m’épanouir.

Et finalement il est comme retombé amoureux. De cette nouvelle femme qui était plus cool. Et qui finalement était fun. Et qui pouvait rire d’une situation où elle aurait pété un plomb avant, donc…

C’était mieux pour lui, je pense.

Finalement c’était mieux pour toi, c’était mieux pour tes filles, c’était mieux pour ton mari.

Oui, c’était mieux pour tout le monde.

On a vécu une anecdote, là, c’est très récent. Aujourd’hui, j’ai trois enfants. On a notre cadette qui aime courir dans tous les sens. Qui est vraiment la petite fille qu’on ne peut pas garder sous contrôle.

Qui revient avec les collants troués ?

Oui, c’est ça ! Qui m’aide, qui m’a beaucoup aidée et qui continue de m’aider à lâcher prise.

Et donc on était à la plage. Là, on est en avril, donc c’est une saison où on ne se baigne pas. Mais on y va juste pour se mouiller les pieds, etc.

Et puis on court le long de la plage. Et je lui dis : on fait la course ! À un moment donné, je décide : « Je passe devant toi. », pour la challenger un petit peu. Ça dure quelques secondes. Et je me retourne, et d’un seul coup je la vois dans l’eau. Avec de l’eau jusqu’au menton.

Et je me dis : « C’est pas possible ! » Je suis vite allée la chercher, pour la sortir de l’eau. Et je lui dis : « Mais qu’est-ce qui t’arrive ? »

Elle a trois ans ! Je lui dis : « Mais qu’est-ce que tu fais dans l’eau ? » Et elle me dit : « Ben, je voulais te gagner donc je me suis dit je vais plonger et comme ça je vais aller plus vite. »

Clairement, la Cindy perfectionniste qui voulait tout sous contrôle, avant, j’aurais pété un câble, en fait.

Parce que moi j’étais trempée. On n’avait pas de tenue de rechange. Et puis c’est quoi cette gamine qui ne sait pas se tenir ? Qui fait n’importe quoi ?

Et j’aurais voulu trouver un coupable. Forcément, ça aurait été mon mari le coupable parce que c’est lui qui avait préparé le sac de plage et qu’il n’avait pas pensé à mettre la tenue de rechange…

Et là, on a juste ri. On a pris des photos. Et mon mari me l’a dit : « Tu as tellement changé ! » C’est tellement agréable parce qu’aujourd’hui on rit, on prend des photos. Et c’est pas : « Voilà, c’est pourri, on rentre à la maison, c’est n’importe quoi. De toute façon c’est ta faute… »

Dans ce cas-là, la balade au bord de la mer se serait terminée en fiasco.

Ah mais vraiment, oui.

Alors qu’elle s’est terminée en photos et en éclats de rire.

C’est ça.

C’est génial !

Voilà.

Il y a autre chose que je t’ai entendue dire par rapport à cette période de burnout, c’est que tu avais pris un congé parental à ce moment-là. Je ne sais plus si tu étais enceinte de la deuxième, ou si elle était déjà arrivée…

C’était pour la première, oui. Et pour la deuxième aussi.

Et tu t’es retrouvée face à toi-même, et à une question que tu ne t’étais pas posée jusque-là, qui est : « Qu’est-ce que je fais de ma vie ? »

Oui.

Et qu’il y avait quelque chose de vertigineux dans le fait de te poser la question, et surtout de ne pas avoir de réponse. Comment est-ce que tu as trouvé, alors, la réponse à cette question-là ?

Finalement, c’est comme si j’avais toujours su ce que je voulais faire de ma vie. Parce que depuis toute petite, on me demandait : « Tu feras quoi, quand tu seras grande ? » Et je répondais : « Je vais faire du piano. »

Donc on pensait que j’étais quelqu’un de sûre. Que j’étais sûre de moi, vu que je savais ce que je voulais faire plus grande. Et en réalité, à ce moment-là, je me suis dit : « À part ça, il y a quoi dans ma vie ? À part le piano ? Si on m’enlève le piano, je ne sais pas qui je suis. »

C’était comme devenu mon identité, le piano. Et je pense que j’ai trouvé la réponse, déjà, en cherchant à aller bien. Parce que j’ai juste cherché à aller bien, moi, en tant que femme.

Je n’ai pas pensé activité, métier, etc. Au départ, j’ai juste cherché à aller bien. Et en allant bien, je me suis rendue compte que ça faisait du bien autour de moi. À mes amies, à mes voisines… Que je me transformais et que finalement, ce que je vivais, qui était personnel, était universel. Tout le monde a besoin de lâcher prise, c’est un message qui fait du bien.

Donc c’est juste une découverte pour moi, pour aller bien. Et après c’est : « Comment est-ce que je le partage ? Comment est-ce que je diffuse ça ? » Parce que ce bonheur-là, j’ai juste envie de le partager parce que je me rends compte qu’il y a plein de gens…

Il y a plein de gens qui ne se sentent pas concernés par mon message de « J’arrête d’être parfaite ». Et qui disent « Ben non, moi je veux que ce soit tellement ordonné. Ça fait partie de moi, je ne veux pas changer ça. » Et ça ne les rend pas malade.

La transition elle est là : c’est pas que c’est bien ou mal d’être perfectionniste. C’est : est-ce que ça te rend malade ou pas ?

C’est le degré de perfectionnisme.

Voilà, c’est ça.

Donc c’est comme ça que ça s’est fait, petit à petit. J’avais vraiment une vision d’y aller pas à pas.

Au départ, c’était : moi-même je fais appel à un coach, je fais une thérapie, etc. Parce que je veux aller bien. Je lis des livres, je me faisais des résumés, je soulignais…

Après, ben tiens, je vais écrire des articles à ce sujet. Je vais avoir mon blog. Et puis je vais en parler un petit peu plus largement. Et après, ah mais je pourrais peut-être en faire un livre ! Ah mais en fait je pourrais donner des conférences à ce sujet !

Voilà. Ça s’est fait petit à petit, et c’est devenu mon activité principale.

C’est ça. D’une façon naturelle. Avec l’envie de transmettre ce que toi-même tu avais appris, et acquis.

C’est ça.

N’empêche que du coup, tu n’es plus perfectionniste mais tu as remplacé ça par… Je ne sais pas quel est le mot que tu mettrais là-dessus… La détermination ? En tout cas, quelque chose de très, très fort. Parce que pour écrire tes livres, tu as été très vite, et tu as pu t’imposer une discipline assez rigoureuse : te tenir à tes horaires, même renoncer à ta série préférée, même laisser ton mari sortir avec les enfants pour pouvoir continuer à bosser…

Oui.

Où est-ce que tu es allée chercher cette détermination-là ?

Justement, c’est que j’ai compris qu’une personne perfectionniste, elle est tout noir ou tout blanc. Là tu es une bonne personne, là tu es une mauvaise personne. Ça c’est bien, ça c’est mal, etc.

Et j’ai réalisé que dans mon perfectionnisme, j’avais aussi des qualités. C’est-à-dire que parce que je suis perfectionniste – quelque part je le suis encore, c’est juste que ça ne me rend plus malade – j’ai le souci du détail. Je suis exigeante avec moi-même. Je vais jusqu’au bout de mes engagements.

Et ça, c’est parce que je suis perfectionniste finalement. Que j’ai ces qualités-là. C’est ce qui m’a permis de me discipliner. Et de me dire « Non, je veux aller au bout de ça, je suis déterminée. J’ai un engagement envers moi-même, je vais jusqu’au bout. »

Voilà comment j’ai réussi à aller jusqu’au bout.

J’ai juste lâché la partie du perfectionnisme qui me rendait malade et qui était : « Tu t’en demandes trop. Tu ne connais pas tes besoins, tu dépasses tes limites. T’es chiante avec les autres… »

Enfin voilà, tu vois ?

Parce qu’on pourrait se dire qu’il y a une frontière très, très fine, finalement, entre la petite Cindy qui, pour faire ses gammes, ne va pas aux goûters d’anniversaire de ses petits copains.

C’est vrai.

Et la Cindy qui reste à la maison pour faire son livre. C’est parce que ce qui est derrière ce choix est différent ? Ou parce que c’était plus mesuré ?

C’était plus mesuré. Et c’était une saison particulière. Où je sais qu’il y a une fin.

C’est-à-dire qu’avec le piano, c’était une exigence de tous les instants. Et de tous les jours, toutes les semaines, et de tous les mois, tous les ans.

Alors que là c’était vraiment une saison particulière. Où je sais que ça commence maintenant et, a priori, ça va se terminer dans six mois, dans un an. Donc on voit la fin. Et on est un peu dans un parcours, comme quelque chose de sportif. On voit la fin.

Tout à l’heure tu m’as demandé quel mot je mets en remplacement. C’est-à-dire quand on lâche le perfectionnisme, qu’est-ce qu’on devient après ? Pour moi, c’est l’audace. On devient audacieux/se.

Quand on est perfectionniste, on ne tente pas des choses. Parce qu’on a peur que ça échoue. On se dit : « De toute façon je ne vais pas y arriver. Donc ce n’est pas la peine. De toute façon ça ne va pas être l’idéal. Donc de toute façon c’est même pas la peine que j’essaie. »

Parce qu’on ne se contente pas, en plus, des petites victoires. Les petits pas, c’est pas suffisant. C’est tout de suite high level.

En lâchant ce perfectionnisme je suis devenue audacieuse. Parce que j’ai osé des petits pas. Et j’ai osé, potentiellement, échouer. Et ça, ça a été aussi un entraînement que j’ai fait. D’oser des petites choses, avant d’oser me dire que j’allais écrire un livre et oser transmettre mon message, il y a eu je vais oser dire à la boulangère que je veux une autre baguette parce qu’elle est moins cuite que celle qu’elle m’a donnée. Tu vois, c’était à ce point-là.

C’était pas possible, ça, avant ?

Oui, c’est ça ! J’ai vraiment dû m’entraîner. Oser dire, au restaurant, qu’en fait dans la salade qu’ils proposent à la carte, est-ce qu’on peut échanger le poulet par de l’avocat ? Voilà.

Et potentiellement, on pouvait me dire : « Non, ce n’est pas possible. » Donc potentiellement, je pouvais me confronter à ce qui, pour moi, était un échec, parce qu’on me disait « non ».

Je me suis entraînée à tenter des choses comme ça, dans mon quotidien. Et ça a construit ma confiance que j’étais capable d’entendre des « non ». Et que j’étais capable de faire des demandes.

J’ai progressé comme ça. Et je suis devenue plus audacieuse que perfectionniste.

Et il faut bien ça pour être entrepreneur.

C’est ça, oui.

Et dans ton parcours d’entrepreneur, aussi, souvent, quelque chose qui peut être compliqué à gérer, c’est l’entourage. Mais toi, ton mari était déjà entrepreneur.

Oui.

Est-ce que, pour toi, ça a été une chance, un fameux soutien ? Ou est-ce que ça a été quand même compliqué ?

Ça a été une vraie chance. Parce qu’on a vécu l’inverse, où moi j’étais salariée, et mon mari entrepreneur. Et je n’avais pas la mentalité de l’entrepreneur. Je ne comprenais pas que, quand moi j’avais terminé mon travail, le travail c’était fini. On rentrait à la maison, le travail c’était fini.

Lui, avec sa mentalité d’entrepreneur, il est toujours dans l’innovation, la créativité, le réseau… Et peut-être on est en train de regarder un film et : « Punaise, je pense à ça, je vais le noter. » Et moi, je ne comprenais pas ça.

À l’inverse, moi j’ai pu être un frein pour mon mari quand lui, il a commencé à entreprendre. Et donc moi, quand je m’y suis mise, ça a été une chance d’avoir quelqu’un qui comprenait que j’étais en train de changer de mentalité. Et que j’étais en train de me mettre à fond dans mon projet. Que ça comptait tellement pour moi que forcément ça allait un peu dans toutes les sphères de notre quotidien.

Et après c’est : parfois on mange entre amis, quelqu’un dit quelque chose et je pense « il faut que je le note, ça me fait penser à telle citation, tel livre… »

Finalement, on sait faire la part des choses, entre il faut arrêter de travailler. Le weekend, par exemple, nos téléphones sont éteints. On a une soirée dans la semaine où c’est vraiment soirée famille. Donc…

Mais, malgré tout, c’est quand même un mode de vie, d’entreprendre. C’est au quotidien, tout le temps, quelque part.

Mais où, du coup, vous vous comprenez l’un l’autre, quand même.

Oui, c’est ça, oui.

Pour conclure cet interview, si tu avais toi, un conseil en or que tu donnerais à quelqu’un qui ne s’épanouit pas pleinement dans sa vie professionnelle. Qui manque de sens. Qui ne se sent pas trop à sa place. Mais qui ne sait pas quoi faire, qui ne sait pas par où commencer, ou qui a trop peur pour poser le premier acte. Quel serait ton conseil à toi ?

Je pense que ce serait bien de faire la liste de toutes les choses que cette personne ne s’autorise pas. Au quotidien.

Et au départ, ça va pas être forcément quelque chose qui est dans la sphère professionnelle. C’est peut-être que je ne m’autorise pas à me faire un cadeau. Je ne m’autorise pas à prendre du temps pour moi, à recevoir un compliment et dire tout simplement « merci ». Je suis obligé de me dire « Non, peut-être qu’il ne le pense pas vraiment. Il voulait juste me faire plaisir. »

Voilà. La liste des choses qu’on ne s’autorise pas. Et commencer à s’autoriser. Parce que pour s’épanouir dans sa vie professionnelle, il faut vraiment s’autoriser. À prendre cette place, à exister, à oser. Ça passe par s’autoriser, tout simplement, les choses qu’on ne s’autorise pas.

Et quand on ne s’autorise pas, est-ce qu’on se rend compte qu’on ne s’autorise pas ?

Je pense que quand on ne s’autorise pas, on se rend compte sur le moment. Par exemple : « Tiens, j’aimerais bien prendre des vacances. Oui mais non. » Mais pourquoi non ?

Est-ce que c’est « J’ai pas le budget » ? Mais pourquoi ? Est-ce parce que oui, mais si, en fait, on regarde réellement combien ça coûte. Et qu’on fait un plan, peut-être sur plusieurs mois, et finalement c’est possible ? Mais pourquoi est-ce qu’on dit non, tout de suite ?

En réalité « J’ai pas d’argent, j’ai pas de temps, c’est pas possible », tout ça, ce ne sont pas des arguments valables. En réalité, c’est parce qu’on ne s’autorise pas.

Donc c’est presqu’une observation, une vigilance de tous les instants de voir ce qu’on fait, ce qui motive nos décisions. Pour faire ou ne pas faire.

Oui, c’est ça.

J’ai une petite anecdote à ce sujet, si on a encore le temps. Une dernière.

Bien sûr !

C’est assez récent, en plus.

Un matin, j’avais réservé la matinée pour les choses qui concernent la maison. Donc je dois aller faire le plein d’essence. J’ai dépensé 60 € pour mon plein d’essence.

Je suis allée faire les courses. J’ai dépensé, je ne sais pas, 150 € de courses.

Puis je suis passée devant une bijouterie et j’ai vu un bracelet que je trouvais vraiment beau. Et ça va très vite dans mes pensées. Je me suis dit : « Non, c’est pas pour moi. C’est pas prévu dans le budget. »

Et je suis revenue en arrière. Je me suis dit : « Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce que je m’autorise à dépenser tant dans ma voiture ? À dépenser tant pour mon frigo, à dépenser tant pour ma famille, etc. ? Et je ne prends pas le temps de m’autoriser, une fois dans l’année – en plus, je venais d’avoir mon anniversaire quelques jours avant – de faire quelque chose juste pour moi ? »

Donc je suis retournée. Et finalement, j’ai acheté ce bracelet pas tellement… Je le trouvais vraiment beau, mais c’était aussi pour, comme marquer d’un acte, pour mon cerveau, qu’il comprenne : « Oui, tu as le droit de t’autoriser ce cadeau, de prendre ce temps pour toi et de faire quelque chose que, d’habitude, tu ne fais pas. »

Ça, c’est peut-être un détail qui aurait pu passer inaperçu. Mais dans mes pensées, maintenant, j’ai appris à me demander « Pourquoi ? Pourquoi, en fait, est-ce que tu passes et tu dis non tout de suite ? C’est quoi, l’origine de ce « non » ?

Et ça, c’est le fruit, justement, de tous ces coachings et de tout ce parcours, d’arriver à presque t’auto-analyser instantanément ?

Oui, c’est ça. C’est une nouvelle façon de penser. L’ancienne pensée elle existe toujours. Parce que c’est comme une autoroute dans ma tête. C’est le chemin que j’ai le plus emprunté pendant 25 années de ma vie. Donc forcément, j’ai plus de ce chemin-là que des autres.

Et quand on commence un nouveau chemin, dans son cerveau, c’est comme passer à travers une jungle. Au début, on va se prendre des ronces. Et le chemin, il n’existe pas trop.

Mais plus on passe par un autre chemin, plus ça devient un sentier et ça devient facile de passer par une nouvelle habitude, une nouvelle façon de penser.

Transformer le petit sentier de la jungle en nouvelle autoroute.

Voilà, c’est ça.

Et, comme tu dis, par tous des petits pas qui font que le cerveau… Tu as utilisé cette expression : « Habituer le cerveau à… »

Oui, c’est ça.

Lui montrer que c’est possible.

Éduquer notre cerveau.

 

Retrouvez Cindy sur son blog : https://jarretedetreparfaite.com/